Marko. Il était quelque part comme un secret pour Diana, comme toutes ses connaissances en réalité. A croire que c'était un choix de vie de la part de la mutante sans même qu'elle ne s'en rende compte. Elle n'était pourtant pas fermée, plutôt très ouverte à avoir de nouvelles connaissances. Mais si on y apprêtait attention, depuis qu'elle était à Radcliffe, elle ne considérait que trois personnes comme étant vraiment de ses proches. Faith, sa demi-sœur pour laquelle elle avait déménagé et qu'elle ne voyait que rarement et dans un temps très court. Bob, qui était lui-même pas très sociable mais sa mutation était l'une des choses, qui, malheureusement, devait le freiner à faire les magasins l'après-midi et faire des rencontres. Le dernier étant Marko. Finalement, les trois personnes auxquelles elle tenait le plus étaient complètement à son opposé dans le monde du social. Faith ne voulait tenir à personne, Bob voulait vivre dans sa forêt et faire la tête, Marko n'arrivait pas à étirer les lèvres pour sourire. Chacun avait de très bonnes raisons de se comporter comme cela malheureusement. Finalement, Diana était plutôt du genre à attendre que ce soit ses proches qui veuillent la voir plutôt que de s'imposer.
Son ami avait une sœur, tout comme elle. De la même façon, leur vie était orientée vers cette dernière, souhaitant la protéger. Seulement, Marko avait perdu sa raison de vivre. Sa sœur était partie et jamais elle ne pourrait revenir. Diana aimerait pouvoir comprendre ce qui s'est réellement passé, comment la sœur de son ami a pu mourir. Oui, la guerre avait tristement pris la place dans leur monde et cette guerre était sournoise. En apparence, on pourrait croire que tout se passe bien et puis on peut se prendre un coup de couteau au coin de la rue ou même une balle en pleine tête. Quand on est mutant, on doit se cacher et paradoxalement, quand on est humain, il vaut mieux se cacher aussi.

Diana craignait qu’il se perde. Elle craignait aussi qu’il finisse par la voir comme l’ennemi. Diana n’était pas faite pour ce monde froid et sans espoir. Elle était un être débordant d’amour et de gentillesse, malgré que la combativité fût un trait familial, elle savait très bien qu’elle ne compterait pas parmi les survivants. Tant que la mutante était là, elle souhaitait veiller sur ces trois personnes. Marko risquait de mourir de l’intérieur, de suivre le chemin de sa sœur tout en laissant son corps là. Oui, Diana craignait la dépression pour lui ou encore pire, une soif de vengeance. La jolie brune était passée par là, elle savait très bien ce qu’il en coûtait. Elle ne pouvait pas le laisser devenir quelqu’un qu’il n’était pas. Si Diana avait fini par tuer son père avant que quelqu’un d’autre le fasse, elle se serait sûrement perdue. Après, on doit vivre avec ses regrets. La guerre n’est pas un endroit fait pour quelqu’un comme Marko, contrairement à Faith et Bob. Les deux autres étaient plus sauvages, plus brutaux. Finalement, Marko était celui qui se rapprochait le plus d’elle. Combatif, mais gentil, quelqu’un capable de douceur plus que de fermeté. Ce qu’elle souhaitait seulement, c’est le revoir sourire, ne serait-ce qu’une fois.

Quand dans la matinée, elle reçut un sms de Marko, elle se jeta littéralement sur son portable. Un fou rire incontrôlable s’empara d’elle. Sa vie à Détroit était bien loin derrière elle, Diana qui avait l’habitude de s’habiller en tailleur pour le travail et de se restaurer dans des restaurants à étoiles avait complètement changé de vie. Passant de conseillère pour une boîte en cosmétique à serveuse, maintenant Marko ne lui demandait même plus de venir le chercher après qu’il est bu un verre de trop. Non, il voulait manger à la pizzéria, soit, si cela pouvait lui remonter le moral. Diana imaginait que c’était moins pire que de demander à aller dans un kebab. La jeune mutante avait failli lui proposer de manger à la maison, mais elle ne voulait pas briser ses moments où Marko semblait avoir envie de quelque chose par lui-même. Elle ne se souvenait plus avoir eu peur pour quelqu’un de cette façon, elle ferait n’importe quoi pour pouvoir être là en cas de souci pour lui.

La serveuse prit alors son après-midi pour avoir le temps qu’il lui fallait pour son ami. Attrapant sa veste, elle ne prenait pas la peine de se changer, de peur qu’il s’en aille si elle n’avait ne serait-ce que cinq minutes de retard. Finalement, elle arriva avant lui et pria intérieurement de ne pas s’être trompée. Elle prit place sur une table et l’attendit patiemment. Devait-elle l’appeler pour être sûre qu’il venait bien ?

L’envie de tuer, l’envie de réclamer vengeance. Diana ne connaissait que trop bien ces besoins primaires. Contrairement à ce que l’on peut dire, avoir un conjoint à ses côtés n’aide pas forcément. Parce qu’il paye pour vous le prix de ce que vous demandez. Il devient confident et donc complice si vous passez à l’action. Bien que la jeune mutante pense le contraire, elle est toujours en miettes, perdue quelque part entre deux eaux. Bien qu’elle n’ait pas réellement connu son père, il avait tué sous ses yeux sa mère. La personne qui avait le plus d’importance à ses yeux. William avait été là et puis Diana avait tout plaqué pour rejoindre une demi-sœur à qui elle n’avait jamais parlé. Skylar qui s’appelait maintenant Faith. Sa jeune sœur avait ses raisons pour avoir changé d’identité. Mais c’est comme prendre une nouvelle coupe de cheveux, de nouvelles habitudes, nos blessures ne guérissent pas pour autant. Changer d’identité ne fait qu’accentuer la peur elle-même, comment pourrait-il en être autrement ? Ce serait mentir de la part de la jolie brune de prétendre qu’elle n’a jamais eu peur de ce père sans âme, sans foi ni loi. Pour taire les cauchemars, tuer semblait être la solution. Toujours freiner par William alors qu’elle tentait de trouver le moyen imparable de le tuer, quitte à mourir avec, une autre personne était passé à l’action. Diana ignorait encore que sa demi-sœur avait quelque chose à voir avec cela.

Pourquoi était-elle venue à Radcliff ? Pour avoir un nouveau but. Celui-ci était meilleur et Diana oubliait la blessure béante de son cœur. Elle avançait seule et cela ne lui ressemblait pas, mais qu’importe. Ils étaient en guerre, elle n’avait pas le luxe de quitter la ville au risque de ne jamais pouvoir y revenir. Comment ferait-elle si Faith ou Marko avait un problème ? Diana estimait qu’elle avait de nouvelles responsabilités, peu importe l’opinion de sa sœur qui affirmait qu’elle était égoïste. Si on ne protège même pas les siens, qui sommes-nous réellement ? La mutante électrique le savait pourtant, elle ne voulait pas prendre les armes… Sauf si « l’ennemi » devenait plus clair à ses yeux. Pour elle, il y avait certaines personnes à abattre, tous les autres étaient des personnes manipulées. Comme elle, qui avait pensé tuer un humain, qui aurait donné du poids en plus pour ces monstres humains qui veulent éradiquer sa race. Comme Marko, à qui on venait de prendre sa sœur. Peu importe le camp coupable, cela allait l’affecter de la même façon qu’elle avait été affectée et Diana ne pouvait pas le laisser s’enfoncer. Non, elle ne permettrait pas que Marko devienne un simple pion dans leurs jeux sordides.

Laissant derrière elle ce genre de pensées terrifiantes, elle soupira et pris son portable en main. Alors qu’elle commençait à presser des touches sur son téléphone, une ombre bien connue fit son apparition dans le coin de son œil. Elle se retint un nouveau soupir qui aurait témoigné de son soulagement. On pouvait dire qu’elle avait vraiment de la chance, les trois personnes qui comptaient vraiment dans cette ville pour elle étaient tout sauf doué de paroles. « C’est normal… » Répondit-elle dans la foulée, dans des mots soufflés plus qu’articuler. Sa question maladroite lui arracha un sourire. Inutile de répondre à cette question qui en amenait une bien trop pesante pour lui. Histoire de faire comme si ce n’était pas pour éviter de lui retourner la question, elle dévia les protocoles de bonne conduite. « On sait très bien comment on va tous les deux. On est assez proche maintenant pour ne pas se poser cette question cordiale, tu ne crois pas ? » Demanda-t-elle avec un sourire qui lui faisait apparaître de légers creux aux pommettes. Prenant nonchalamment la carte des pizzas dans les mains, elle plissa le regard comme si toutes les propositions étaient trop compliquées pour elle. Doucement, elle glissa la carte sous les yeux du jeune homme qui broyait du noir. « Je te fais confiance, tu dois bien avoir une idée pour une pizza en particulier, non ? »

La jeune femme s’humecta les lèvres, sachant à quel point il était compliqué de désamorcer la bombe auprès de son ami, tout en essayant de prendre les choses à l’amusement, sans lui donner l’impression qu’elle ne se souciait pas de lui. Parce que c’était bien tout l’inverse, elle se souciait bien trop de lui. « Je suis contente de te voir. Vraiment… Tu ne regrettes pas ton invitation au moins ? » Tenta-t-elle de plaisanter, se disant qu’elle marchait vraiment sur des œufs.

Peu importe les brimades auxquelles elle allait devoir faire face. Une personne seule est une personne dangereuse. Une personne qui laisse ses amis de côtés risque de commettre le pire des actes. Diana ne pensait pas seulement au meurtre dans le cas de Marko. Ce dernier s’était tellement refermé qu’elle craignait qu’une fois sa besogne accomplie, il dirige l’arme contre lui-même, ne pouvant plus se voir en face. Bien qu’elle ait été en couple au moment où elle avait souhaité mettre une balle entre les deux yeux à son géniteur, la mutante avait déjà médité sur la suite des événements. Jamais elle n’aurait pu accepter de finir en prison pour avoir tué une pourriture et jamais elle n’aurait souhaité voir un nouveau jour se levé. Parce que finalement, tuer, c’était rentrer dans le jeu de la personne qui vous avait pris cette personne si chère à votre cœur. Pour Diana, sa mère était la personne la plus proche d’elle, celle qui serait toujours là, envers et contre tout. Son père lui avait arraché la première personne sur laquelle elle avait pu se reposer un jour, celle qui l’avait élevé, protégé, soigné et accepté telle qu’elle était : mutante. Si Marko envoyait ne serait-ce qu’un sms, c’est qu’elle avait peut-être encore une chance de le sauver. Seulement ce serait plus dur pour elle que pour William. Will n’avait qu’à être là, là pour elle, la prendre dans ses bras et lui promettre qu’il serait toujours là. Ils étaient en couple, tout simplement. Il semble que cela soit plus dur pour une simple amie de sauver un ami. Tout simplement parce que les sentiments sont moins forts. On ne se dit pas que l’autre ne s’en remettra pas si on met fin à ses jours. On se dit juste que la douleur finira par passer. Alors ce n’est pas avec de simples larmes qu’elle changerait quoi que ce soit. Se mettre à genoux serait juste pathétique et le meilleur moyen pour qu’il se referme encore plus. Sans le savoir, les mots qui allaient sortir de la bouche de Marko allaient tout changer pour Diana. Elle qui restait tellement à l’écart commençait à bouger, pour une seule et même raison égoïste. Protéger une personne chère, protéger Marko.

Devenir serveuse, voir la guerre se préparer, étudier chacune des mimiques des personnes auxquelles elle faisait face. Se méfier de chacun, tout simplement parce que, malgré elle, elle a les yeux de son père. Détroit la suit partout, telle la peste. Elle sait qu’elle ne doit pas être identifiée à celle qui se fait dorénavant nommée Faith mais elle s’en moque. Skylar est son sang, sans doute la dernière personne qui peut encore entendre son pouls, vif et rapide. Etre neutre ne signifiait pas vivre dans l’ombre et attendre pour la petite mutante. Elle avait appris à se battre, à part de rares accès de colère, la jeune fille maitrisait enfin ce que sa mère appelait un don. Alors, tous ces gestes discret que Marko faisait l’inquiétait. Les mots qui en suivirent ne firent que renforcer les craintes de la jolie brune. A la façon d’une personne qui à peur que son interlocuteur parte en fumée, ou pour le soutenir, la jeune femme pris la main droite de Marko avec la sienne et se mit à la serrer. Son regard témoignait à quel point elle était inquiète, mais aussi à quel point elle était déterminée. « Tu en es sûr ?... » Elle ne poserait pas la question, vu ses réactions, c’était bien trop tard, il avait dû appuyer sur la gâchette… Elle n’aurait pas dû attendre son sms, elle aurait dû défoncer la porte de chez lui ! « Marko, tu es certain que c’est une personne qui a levé la main sur Mila ? Qu’est-ce que tu as trouvé qui prouve qu’il est responsable ?... » On ne se remet pas d’un meurtre, c’est du moins ce que pensait la mutante. Mais on ne peut définitivement pas s’en remettre si on s’est trompé de cible. Alors dans ce cas, si Diana avait raison et que son ami avait franchi le pas, il était peut-être devenu lui-même la cible d’une personne proche de sa victime. Sa main ne faisait que se resserrer sur celle de son ami qu’elle ne lâchait pas une seconde du regard, lui imposant le sien. « Ecoute-moi attentivement… » Son ton de voix baissait pour éviter les oreilles indiscrètes, encore plus celle d’un serveur, elle n’était que trop renseignée sur le sujet, pour faire de même. « Je t’aiderais, à les trouver, à les interroger… Je t’aiderais, je ne te laisserai pas seul, mais tu ne tues personne. Est-ce que c’est clair ? … Personne Marko… Tu n’as pas à te salir pour eux, Mila ne voudrait pas ça, crois-moi. Moi en tout cas je n’en ai pas envie… »

Le serveur revint alors, avec son sourire habituel, ce sourire faux qu’il doit afficher toute la journée. A son tour, Diana le foudroie du regard, maladroitement, à cause de la conversation en cours. Sans lâcher une seconde la main de Marko, au risque de devoir lui planter ses ongles dans la chaire pour qu’il ne bouge pas… Elle rend la carte au serveur et se force à adopter le même sourire. « La pizza du jour, s’il vous plaît, pour tous les deux et un pichet d’eau. » Avec un petit soupir, après avoir abaissé le regard sur le sol, elle replonge son regard dans celui de son ami. « S’il le faut… Je le ferai. » Après ces derniers mots, elle libéra la main de son ami et déglutit tout en jetant un regard à la pizzéria. Oui, elle venait de prendre une décision grave, se salir les mains à la place de son ami. Parce qu’elle ne permettrait pas qu’il se brise. De la même façon que quelqu’un avait abattu sa cible à elle, elle se chargerait de retirer ce lourd fardeau qu’avait Marko sur les épaules, bien qu’il ait commencé sans elle.