La blondinette sourit en se passant une main dans les cheveux, alors qu’Ivory riait bien plus franchement à ce qui était en revanche tout sauf une blague : l’ADN, c’était le truc le pire pour les chasseurs et les tueurs de tous poils de nos jours : un ptit cheveux sur le tapis et BIM ! coincé. Pas étonnant que les meilleurs chasseurs, de prime ou de mutants, se rasent maintenant entièrement le crâne pour diminuer les risques. Charlie songea qu’elle n’aurait jamais le cœur à sacrifier sa crinière pour l’amour du crime. Elle avait déjà changé de couleur, mis des perruques, mais elle aimait trop la paillasse blanche qui lui servait de chevelure pour s’en défaire, sauf cas d’extrême urgence. Mais bon, des urgences qui impliquaient de se faire la boule à zéro, elle voyait pas trop, là, maintenant tout de suite.

Elle haussa les épaules alors qu’Ivo avouait avoir un peu peur d’utiliser son pouvoir à son climax : Evidemment, ça faisait peur, tout ce potentiel que l’on avait en soit, mais il fallait bien tester ses limites pour savoir les établir, non ? Parce que le jour où elle devrait utiliser son don dans une urgence de Survie, ne pas savoir jusqu’où elle pouvait pousser le vice pourrait bien la mener à sa perte. Ce fut l’expression un peu étrange sur le visage de son amie qui la tira de ses rêveries : qu’est ce qu’elle avait dit encore ? Hein ? Quoi ? Seth ? Quoi, Seth ? Elle avait ? Nooooon, elle n’était pas bête à ce point la quand meme …

- « Tu connais Seth ? J’ai pas dit comment mon meilleur pote s’appelait tout à l’heure. J’l’ai dit ? Comment tu l’as connu?»

Charlie cligna des yeux, plusieurs fois, sans rien répondre, le regard fixe, le visage dénué de la moindre expression. A l’intérieur, c’était le branle le bas de combat, les trompettes de Géricho, le cor de Roland qui sonnait le retrait d’urgence des troupes : trop à l’aise, elle s’était emmêlée les pinceaux, et bien comme il fallait en plus. Elle contempla les traits curieux et ouverts d’Ivory, et se décida que de dire la vérité était trop compliqué, et que mentir n’était pas digne de la grande brune. Une seule solution, la fuite. Rapide, et implacable, si possible. Elle lui aurait bien fait le coup de « oh, un mutant volant à la fenêtre ! » pour se carapater dès qu’elle aurait le dos tourné, mais elle doutait de l’efficacité de la manœuvre. Aussi elle se contenta d’hausser les épaules et de se lever, attrapant sa veste sur le dossier de la chaise pour l’enfiler tranquillement sous le regard perplexe de son amie, avant de souffler un simple :

- Tu te fais des idées, chaton, la détonation te fait entendre des trucs chelous. Je dois filer, j’ai d’autres gens à informer de ma non mort. Mais tu étais la première. On se textote à l’occas’, d’acc ?

Elle se pencha pour déposer un baiser léger sur la joue d’Ivory, enfin, la joue, non , plutôt dans le creux de la fossette qu’elle avait un peu a dessus de la commissure des lèvres, là où se logeait la mousse de café quand elle en buvait rapidement. Un dernier sourire, puis la bavarde fila sans un mot de plus pouvant la trahir, priant ciel et terre qu’Ivory n’ait pas l’idée de parler d’elle à un Seth tout sauf rassuré de la savoir en vie, elle en était sure …

⁂

Loin de s’imaginer que certaines réflexions de Charlie n’étaient pas du tout des blagues, Ivory s’amusait beaucoup de cette discussion totalement surréaliste. N’était-ce pas comment entre elles après tout ? Elle ne faisait jamais rien comme tout le monde de toute façon. Elles n’étaient plus à une conversation bizarre près. Cela dit, son amie avait raison, il fallait probablement qu’elle s’entraîne, qu’elle apprenne à se contrôler mieux ou du moins, connaître ses limites. Les situations risquées, elle en avait affronté peu mais, il suffisait d’une fois pour que les choses partent totalement en sucette. En toute franchise, Ivy n’était pas prête à tourner le dos à la vie, pas du tout même. Elle aimait bien trop ça. Oui... s’entraîner serait peut-être bien une bonne idée.

Ce qui était le plus interpellant pour le moment, c’était que Charlie lui avait parlé de Seth. Seth son meilleur ami, Seth, son frangin de cœur, le type pour qui elle n’hésiterait pas à faire de la merde un seul instant si ça pouvait lui sauver les fesses. C’est qu’elle était un peu trop altruiste Ivory par moment. Au détriment de sa sécurité bien entendu, sinon, ça n’était pas amusant. En attendant, Charlie ne répondait pas, peut-être qu’elle s’était plantée et qu’elle avait dit le nom de Seth après tout, c’était pas impossible. Elle avait l’art et la manière de parler parfois beaucoup trop et de dire plus de choses qu’elle ne l’avait initialement voulue. Ça ne serait pas la première fois, ni la dernière, c’était à n’en pas douter.
Totalement relax et détendue, Charlie haussa les épaules en la regardant. La nonchalance personnifié, là, c’était elle. Sauf qu’elle partait. Pourquoi ? Pourquoi elle partait si vite ? Elle aurait voulu passer bien plus de temps que ça avec son amie et elle en eut d’ailleurs un léger pincement au cœur qu’elle mit sur le compte du temps passé entre la dernière fois qu’elle l’avait vu et cette visite surprise mais bienvenue.

- « Tu dois déjà partir ? » Ivory fit la moue sans même s’en rendre compte mais soupira. « D’accord, j’espère qu’on se reverra bientôt ? » L’intonation était incertaine... Elle et ses problèmes relationnels le retour. « Bien sûr ! » Trop rapide comme réponse mais elle s’en fichait. Après tout, Charlie était venue la voir en premier pour lui dire qu’elle allait bien.

Le baiser que Charlie lui fit sur la joue pas-tout-à-fait-sur-la-joue la fit presque avancer pour la retenir encore un peu, juste un peu. C’était ridicule et elle mit ça sur le dos de son inquiétude, elle avait bon dos celle-là quand ça l’arrangeait tient. Ivory était une championne quand il s’agissait de ne pas voir ce qui se tramait sous son nez, ou plutôt, dans son cerveau.

- « À plus Charlie ! »

À plus... N’importe quoi. Elle se mordilla la lèvre en regardant la porte se fermer et ronchonna contre elle-même, oubliant presque que Charlie avait parlé de Seth et que donc, elle connaissait peut-être. Ça lui reviendrait plus tard, c’était clair et elle serait même tentée de lui envoyer un sms. Sauf que voilà... y avait un petit truc, juste un petit. Et si Seth avait eu un truc avec Charlie ? La question était insidieuse et bien entendu, elle remisa ça au fin fond de son cerveau parce qu’après tout, Charlie, ça n’était qu’une amie, une vraie qu’elle appréciait beaucoup. Ivory ne s’attachait jamais de cette façon aux gens, plus depuis des années. L’auto-persuasion, cette chose merveilleuse.
Elle reposa son téléphone et ferma sa porte, puis rangea la cuisine avant de sauter dans le canapé devant sa console comme si la visite qu’elle avait reçue était tout à fait normale et banale. Elle lança le dernier Resident Evil et passa à autre chose, non sans jeter un coup d’œil de temps en temps à son téléphone. Pas pour appeler Seth, pas pour guetter un message de Charlie. C’était juste pour l’heure, évidemment.

⁂ Fin ⁂