Ileana a toujours été une sang-mêlé, pas vraiment quelque chose et pas vraiment l'autre non plus, elle se retrouvait indéfiniment entre deux mondes. A sa naissance elle avait été française et japonaise, une Murasaki mais aussi un peu une Cesaere, un enfant normal mais pas vraiment. Bref, toute sa vie elle avait essayé de se caser quelque part, en vain. Elle n'avait jamais autant ressenti cette sensation que quand elle est rentrée pour la première fois à l'école japonaise. Pourtant extérieurement, elle ressemblait à la parfaite écolière japonaise ; l'uniforme réglementaire, la jupe arrivant aux genoux, les couettes parfaitement faites, le sac à dos carré. Mais il est dur de cacher sa mixité lorsqu'on s'appelle Ileana dans un pays où les noms étrangers se remarquent très facilement. C'était clair pour elle, elle n'avait pas sa place et on lui faisait bien comprendre que ça sera toujours le cas. On parle du racisme occidentale alors qu'au Japon, tu étais furieusement ignoré par tes camarades et devais supporter leurs regards dédaigneux. Et les enfants n'étaient gentils, loin de là, ignorants encore les quelconques limites du bien, du mal et du respect de l'autre.
Lily Murasaki au bout de quelques années a choisi d'ignorer, de se concentrer sur ses études et sa passion folle de l'électronique – réellement le Japon avait pour elle une de ses qualités ; sa grande avancée technologique.  
« Tadaima !», lança Ileana en rentrant, enlevant machinalement ses chaussures à l'entrée de la maison. Elle tendit l'oreille dans l'espoir d'entendre un Okaeri de sa mère résonner. Malheureusement, Kanae Murasaki devait être encore à son travail et n'allait rentrer que plus tard dans la soirée. Lily soupira, dans un sens ça voulait dire qu'elle n'allait pas tomber sur un membre de sa famille boire un thé vert avec sa mère. Elle avait dû mal à comprendre comment sa mère pouvait supporter la présence de pseudo-membres-de-la-famille quand ils avaient toujours ce regard jugeurs sur sa condition de femme célibataire. Mais sa mère était une femme moderne forte et Lily l'admirait. En souriant, elle pensa à son père, lui aussi un homme très impressionnant et ne pouvait s'empêcher de rêver de dégager une telle force quand elle grandira. La brune courra vers sa chambre laissant tomber son sac au passage -même si elle savait pertinemment qu'elle se fera crier dessus quand sa mère reviendra – et sauta sur son lit. Aujourd'hui en histoire du japon, Lily avait eu des nouvelles idées pour une montre high-tech qu'elle essayait de construire, elle avait gribouillé ses idées sur un papier en français (parce que c'était toujours la langue qui venait naturellement chez elle) et avait manqué de se faire remarquer par son professeur. De toute façon, elle avait déjà lu le cours d'histoire quelques mois plus tôt pendant une pause, elle connaissait du bout des doigts les événements. De ses petites mains, elle se cambra pour aller chercher une boite en dessous de son lit. A 13 ans, le petit secret de Ileana Murasaki n'était pas une boite qui contenait son journal intime mais remplie de pièces détachées et produits électroniques éventrées. Elle jubilait tandis qu'elle prenait d'une main son tournevis et d'une autre une montre d'homme étrangement modifiée. (Lily l'avait demandé l'année dernière pour son anniversaire à Hippolyte et même si il avait haussé un sourcil, le 15 janvier un paquet bleu emballé avec un mot de son père lui avait été donné par sa mère.) Finalement, la brune resta pendant plusieurs heures à travailler sur sa montre, jouer à sa Game Boy Color et lire des vieux comics que sa mère avait trouvé. La brune sursauta quand la porte s'ouvrit rapidement, laissant apparaître la silhouette élégante de Kanae Murasaki une main sur la hanche. Lily se leva rapidement et sauta dans les bras de sa mère tandis qu'elle lui pressa un bisou sur le front. « Okaeri, Maman ! » La biologiste la toisa de bas en haut. « Lily tu es encore en uniforme alors qu'il est 21h, combien de fois je dois te le ré- » « Que je ne dois pas être encore habillée à 21h, oui oui Maman ! J'ai juste oublié la notion du temps ! », elle lui sourit en lui faisant sa plus belle tête d'ange.
« Ton père t'offre une montre et tu oublis l'heure ? Lily, tu es trop intelligente pour me dire des excuses comme ça. », Kanae soupira fatiguée, elle tourna les talons vers la cuisine pour préparer le repas quand elle se stoppa. « Ah en parlant de ton père, il viendra le week-end prochain pendant quelques jours, il m'a dit de te préparer à revoir ce que vous aviez fait la dernière fois. »

Cette nuit-là Ileana dormit presque pas, excitée par la nouvelle.

(Semi-vrai. Officieusement c'était aussi une excuse pour avoir passé sa nuit à lire des comics.)  


A seize ans, Ileana avait son diplôme de fin de scolarité en poche, ses diplômes français et japonais. Jamais elle ne s'était sentie aussi bien. La jeune femme s'étira douloureusement, enfilant un sweat cachant des bleus sur ses avants-bras. Hier son père était reparti une nouvelle fois, non sans un entraînements un peu plus poussé que d'habitude. Non pas que son père était violent, mais il faut dire qu'elle avait tendance à souvent marquer, petite elle avait appris à différencier les différentes marques ; quand elle faisait du basket les bleus étaient plus ronds et net tandis que la Gymnastique étaient plus allongées et ingrates. Il y avait même des différences entre les entraînements avec sa mère et son père. Mais bon, allait-elle vraiment épiloguer mentalement dessus pendant des heures ? Cela faisait une semaine qu'elle s'était envolée en France pour son Doctorat en électronique, une semaine de bonheur. Certes sa mère et Satoko allaient lui manquer, lui manquait. Mais, ici même si être asiatique soulevait des sourcils, contrairement aux Japonais ont ne la rejetait pas complètement parce qu'elle était une honte nationale. Ses colocataires étaient adorables, et un peu geek comme elle (enfin des personnes qui comprenaient ses références de star wars et d'Harry Potter!) gourmands de technologies et surtout des amis. Jamais elle ne s'était sentie plus intégrée dans la société qu'en France – même si bon deux filles pour 23 gars c'était parfois un peu pesant. Elle était la petite Japonaise de seize ans qui trifouillait des gadgets pour vivre. Et elle adorait ça, elle était libre et ne ressentait plus cette pression horrible, les regards pesants sur elle.
Ils l'avaient surnommé Bulma à l'école, surnom qui est resté. (Elle aborde fièrement sa casquette capsule corp tous les jours maintenant.)


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