Yoho, It's a pirate life for me  

En temps normal, jamais il ne serait venu à l’esprit de Kingsley de monter dans un manège tel que celui-ci. Seulement voilà, il n’avait pas eu d’autre choix que de grimper dans le premier manège qu’il avait vu, non loin de la grande roue, non loin de là où il avait éliminé Diondra Alvarez. Il avait essuyé le sang sur ses mains, resserrer son manteau sur son écharpe encore humide d’hémoglobine, preuve de leur lutte acharnée. Il avait eu le dessus bien sur, il avait toujours le dessus. Il n’avait pas entendu le discours, mais en revanche, il avait entendu les coups de feu, les explosions, et alors que le bateau mécanique se mettait à tanguer, il s’était laissé aller à un éclat de rire franc : le seigneur lui faisait un clin d’œil, à semer la pagaille dans ce lieu de perdition et de vice, et le feu purificateur allait dévorer le corps de sa victime en même temps que toutes les preuves qui pourraient le relier à elle, n’était ce pas terriblement pratique ? La vie faisait bien les choses, quand on l’aidait un petit peu

Le manège s’était immobilisé alors que les explosions et les cris se rapprochaient du manège, et le chasseur compris rapidement que quelque chose n’était pas normal : les liens qui les retenaient à leurs sièges étaient encore attachés, et personne ne semblait près à les libérer. La bateau craquait de toute part, et bientôt la fumée envahit tout l’habitacle sans qu’il ne put distinguer l’endroit où le feu avait pris naissance. Une seule chose comptait : se détacher et sortir de là. Heureusement, il avait toujours un cran d’arrêt dans une de ses poches, et les attaches ne firent pas long feu : c’était la première chose qu’on apprenait aux futurs chasseurs au début de leur formation, comme se détacher le plus vite possible. Il sauta sur ses jambes, couvrant sa bouche et son nez de son bras, plissant les yeux : il restait encore du monde dans le bateau, et il ne pouvait pas décemment laisser ses gens la mourir asphyxiés. Il était chasseur, mais avant tout il était un fervent chrétien, et jamais la morale ne lui aurait autorisé à laisser des innocents mourir sans rien faire. Sur sa droite, il entendit un cri étouffé par le craquement du bois rongé par le feu qui progressait rapidement. En quelques enjambées, Kingsley arriva à la hauteur de Jeane, qu’il dévisagea un moment, perplexe : avec la fumée, il crut reconnaitre la mutante esclave d’un autre chasseur de la ville, Roman Griske. Puis la jeune femme jura, et sa voix dissipa les doute de Kingsley sur l’identité de la jeune femme : ce n’était pas ce monstre de Charlie Monroe. Il se pencha vers Jeane pour inspecter cette dernière, passant la main devant les yeux de la jeune femme :

- Vous êtes consciente, vous m’entendez ? J’vais vous aider à vous sortir de là, essayer de respirer le moins possible tant que vous ne pouvez pas mettre de tissu devant votre nez, c’est un ordre.

D’un coup de pied, il finit de dégager les jambes de la jeune femme, Jeane manquant de peu de lui briser un genou en ruant comme un cheval déchainé :

- Hey on se calme sinon je vous assomme et je vous laisse là.

Il coupa les sangles de sécurité qui entravaient les bras de la jeune femme, puis lui tendit la main, toussant dans son autre bras :

- Faut qu’on se tire, vite, dans 5 minutes on sera totalement intoxiqués. Allez on se bouge !

Il n'avait pas entendu les voix d'autres jeunes femmes un peu plus loin dans le manège, trop occuper à suffoquer en tirant sur la bras de Jeane pour l'aider à se relever ...

Spoiler:

Yoho, It's a pirate life for me  

Kingsley soutenait toujours la fragile jeune femme alors qu’elle semblait enfin reprendre un peu conscience. Si elle marmonna quoi que ce soit, il ne l’entendit pas, trop occupée à fixer les deux jeunes femmes qui se trouvaient juste à coté. Il les connaissait bien, toute les deux, et ce n’était pas vraiment une bonne nouvelle pour elles. Il s’agissait de Nelson-Byrd et d’Azaria Demaggio. La première était dans la liste des mutantes soupçonnées de terrorisme, la sœur d’une jeune vaccinée qui avait retourné sa veste pour se consacrer à la sainte mission. La seconde était fille et petite fille de hunter, mais qui avait eu le très mauvais gout de développer un gène transmutant. Horrible décision, Vraiment. Alors qu’il avançait en leur direction avec Jeane sous le bras, Pietra se planta devant eux, le fixant d’un air mauvais en le questionnant. Jean eut une quinte de tout alors qu’il fixait la démone d’un air mauvais :

- Approche toi un peu pour voir par toi-même, si ça t’intéresse tant.

Il leva les yeux au ciel devant son exclamation des plus mélodramatiques. Non, sans rire, il fallait sortir alors que le manège était seulement Sur le Point de s’effondrer sur eux ? N’était ce pas un peu hâtif ? Stupide en plus d’être immonde, elle avait tout pour plaire. Il était sur le point de lancer une réplique glaciale à la mutante quand La blondinette sous son bras eut un sursaut d’énergie, poussant Azaria de toutes ses forces pour lui éviter une chute d’un ensemble de planches enflammées qui leur tombaient dessus du plafond. Kingsley jura, maudissant la fragile demoiselle d’avoir sauvé la mutante d’un accident mortel, mais aussi parce que ce retour de flammes avait éclaboussé son visage de braises. Il sentit plusieurs d’entre elles lui bruler la joue gauche, malgré l’écharpe qui lui cachait les lèvres et le menton. Il attrapa le bras de Jeane, ignorant superbement Pietra, pour l’instant du moins, et la secoua prestement :

- Sois tu viens avec moi et je fais en sorte que tu vives, soit tu restes bruler sur ce bucher avec les deux sorcières. Ton choix. Je n’attendrais pas 3 ans.

Oui, c’était dur, pas vraiment délicat. Mais la fumée était toxique, il le savait, et leurs poumons devaient déjà se remplir d’un air chaud et toxique qui court circuiterait très bientôt leurs jambes et leur cerveau. Il leur restait cinq, six minutes à tout casser, et elle n’aurait surement pas la force de défoncer la porte de secours, à une trentaine de mètres de là. Dans un coin de sa tête, le chasseur nota qu’Azaria avait peut être eu l’opportunité de passer par l’entrée du manège, si elle avait eu le courage de sauter au dessus des flammes. Si c’était le cas, il s’occuperait d’elle, mais plus tard. D’abord, il fallait sortir d’ici.

Witches. 

Elle l’avait giflé. Une belle gifle bien vive, qui avait claqué comme un coup de fouet, qui avait échauffé sa joue sur laquelle le rouge montait déjà. Kingsley n’en revenait pas : Que Nelson Byrd joue les sorcières et lui crache dessus ne l’aurait même pas fait cligner, mais cette minuscule blondinette, qu’il avait sauvé des flammes il y a à peine une dizaine de minutes rappelons-le, elle osait porter atteinte à son intégrité physique, lever la main sur lui comme si  … Et bien, comme si elle était en position de survivre sans lui. Kingsley ne tourna pas la tête, il ne toucha pas sa joue, il ne répliqua même pas. Non, réagir, c’était accorder à cette femme plus d’importance qu’elle n’en avait : il l’avait sauvé par charité chrétienne, il n’allait pas en plus faire mine de s’inquiéter de ce qu’elle pouvait penser de lui : il se contenta de la fixer d’un regard terrifiant de froideur, si bien qu’on aurait pu imaginer ses pupilles se fendre pour lui donner un regard de serpent.
Elle lui intima de ne pas la toucher : soit. Il n’avait de toute façon pas l’intention d’entre en contact avec elle plus que nécessaire. En revanche, il releva vivement la tête quand Pietra l’interpela, portant spontanément la main sur son arme : ce n’était pas jeane qui l’empêcherait de ses quarante-cinq kilos toute mouillée de coller une balle entre les deux yeux de la mutante si elle faisait le moindre geste suspect. Sauf qu’elle fit pire qu’un geste.
Elle lui Parla.
Un frisson désagréable parcouru l’échine de Kingsley, celui qui prévient qu’une chose anormale va se produire, celui qui vous raidit les muscles et vous fait bondir pour éviter la chute d’une pierre ou éviter de percuter une voiture. En l’occurrence, c’était la volonté de Pietra qui venait de percuter son inconscient comme un bulldozer mental. Il avait envie de lui rire au nez, de presser sur la détente et de laisser son corps à la merci des flammes. Il laisserait la femme blonde à son triste sort et partirait à la recherche d’Azaria. Mais à la place, il resta figé, ses prunelles réduites en deux têtes d’épingles à fixer Pietra qui se tenait devant lui, l’air bravache. Et il ne pouvait rien lui faire. Il le voulait, de toute son âme, mais quelque chose l’en empêchait. Elle l’en empêchait. Il s’approcha d’elle d’un pas raide, baissant la tête pour la fixer d’un air mauvais, comme s’il allait lui sauter à la gorge :

- Ne tardons pas alors. Je m’en voudrais Tellement.

Il avait sifflé ses mots avec tellement de haine qu’elle semblait lui dégouliner par tous les pores. Il la fusilla du regard avant de lui tourner le dos, et d’avancer à travers la pièce en flammes l’air décidé, comme si la chaleur et les vapeurs toxiques n’avaient aucune emprise sur lui. Il attrapa le corps d’un malchanceux coincé sous une poutre, et d’un geste précis, le dépouilla de son manteau pour étouffer un brasier qui les séparait de la passerelle de sortie. L’espace sécurisé ne faisait que quelques mètres, mais avait l’avantage de les rapprocher un peu plus de la porte de sortie , de l’air frais. Kingsley se recula, fusillant à nouveau les deux jeunes femmes du regard.

- Après vous.

Si ça n’avait tenu qu’à lui, il serait passé en premier, sans un regard pour elles. Mais il devait s’assurer qu’elles ne feraient pas de bêtises mettant en jeu leur intégrité physique. Pas que l’idée ne le réjouisse pas, simplement il n’avait Pas le choix. Et c’était tout à fait agaçant.

Witches.

Le sang battait sur sa tempe comme une baguette sur un tambour, et il avait l’impression de sentir son cœur à chaque pulsation, menaçant de lui faire exploser le crâne. Il en était à peu près sur, c’était le contrecoup de l’utilisation par cette monstruosité de Nelson Byrd de sa manipulation mentale. Plus il essayait de se concentrer, de réfléchir de manière logique et sensée, plus son cœur s’emballait et sa respiration se faisait courte. Ce n’était pas le manque d’oxygène, il en était persuadé, mais bien l’emprise de la mutante qui l’empêchait de penser distinctement. La seule chose qui le réconfortait un tant soit peu, c’était l’air inquiet et dégouté des deux péronnelles alors qu’elles passaient la barrière des flammes, flammes qui se reflétaient dans ses iris assombries. Oh, il voulait les tuer, les faire souffrir, tant et si bien qu’elles attendraient l’enfer comme la plus douce expiation. Il agita ses doigts comme des pattes d’araignées nerveuses, puis sera les poings : Il le savait d’expérience, cette emprise, aussi forte soit elle, ne pourrait pas durer toute la nuit. Cela l’épuiserait bien avant, et quand elle desserrerait son emprise, qu’elle faiblirait un tant soit peu, il lui arracherait le cœur pour l’extraire de sa poitrine comme le rouage inutile d’une machine ridicule. Elle ne perdait rien pour attendre l’Hétaïre, la Messaline.
Pourtant, il y avait encore cette force qui le forçait à guetter le moindre danger qui pourrait menacer les deux femmes. Il se devait de les faire sortir d’ici et puis, et puis … et puis … Il se passa la langue sur ses lèvres sèches dans un sourire gourmand de chasseur. Après ce serait la traque, le sang, le fer et l’odeur de la poudre, pour emplir ses poumons de la sainteté de l’air vicié du sang de ses victimes. Il suivit Jeane qui passait en première, puis attendit que Pietra traverse pour passer à la prochaine étape : la porte. Elle était en métal, et la poignée était à présent rougit par la chaleur des flammes. Ils ne pourraient pas l’ouvrir ainsi, mais il y avait une solution, forcément une solution …
Kingsley, qui dégoulinait à présent de sueur, passa une main grise de suie dans sa chevelure blonde, faisant les cent pas devant la porte qui les séparait de l’air libre, sans se préoccuper un instant des deux femmes. Ils leur restaient si peu de temps, et la pression mentale qu’exerçait Pietra le déconcentrait terriblement, à moins que …

- L’extincteur. Il me faut l’extincteur. Trouvez le, vite.

Sa voix s’était enrouée, alors qu’il s’arracha la gorge dans une quinte de toux. Son regard était fiévreux, mais déterminé. Il avait une idée, il pourrait les faire sortir, mais il allait avoir besoin qu’elles se bougent, et vite …

Witches.

Tu gardes un œil sur lui. L’avocat jeta un regard sombre à la blonde qui s’éloignait en crachant ses poumons dans la fumée. Très bien, qu’elle meure, la malédiction de Nelson-Byrd n’y pourrait rien, il ne l’aurait pas touché, pas une seule mèche. Et pourtant, la dualité dans son esprit lui faisait l’impression d’une maladie mentale : un hémisphère de son cerveau clignotait en rouge pour l’intimer de trouver un moyen de les faire sortir de là, tous, sans exception. Le reste attendrait encore quelques minutes parce que là, ils allaient mourir tous les droits, et s’il savait sa place auprès du tout puissant déjà réservé, il préférait le servir encore quelques années de plus sur cette Terre avant de se reposer parmi les anges vengeurs des hordes de saint Michel. Son autre hémisphère en revanche renâclait sauvagement à l’idée même d’aider cette souillure d’enveloppe corporelle qu’était Pietra à sortir intacte de ce qui était pourtant un magnifique bucher pour ce genre de sorciere. Il aurait tellement, tellement facile de se ruer vers elle, d’agripper sa gorge frêle, son long cou de cygne pour le tordre, entendre ses cervicales craquer dans une symphonie macabre et délicieuse. Sa paupière se mit à tressaillir, comme une extériorisation de sa lutte intérieure, alors qu’il attendait que Jeane lui lance enfin la bombone rouge. Il ignora superbement son regard méprisant, toussant à nouveau dans son écharpe sanglante, avant d’aboyer à Pietra :

- Recule.

Rassemblant le reste de ses forces atrophiées par le manque d’oxygène, il frappa le gond supérieur de la porte une première fois, sans que celui-ci trembla. Alors il recommença à nouveau, jusqu’à ce que le métal vaguement dilaté cède sous les coups de dément du chasseur. La puissance du désespoir fit sauter le second gond, puis le pied de Kingsley enfonça la porte pour la faire tomber en avant. L’appel d’air fit gonfler les flammes derrière eux dans une déflagration, alors qu’il attrapait le poignet de Jeane avec violence pour la foutre dehors, la faisait tomber sur l’asphalte sans douceur, avant de repousser Piétra à son tour. Les flammes commençaient à attaquer les manches de son manteau, alors que son visage couvert de suie et de cendres n’offrait de clair que les deux orbes bleus glaciers qui lui servaient d’iris. Il ressemblait à un démon alors qu’il se trainait à l’extérieur du manège, enfin, aspirant de grandes goulées d’air frais comme si sa vie en dépendait. Ce qui était le cas, pour tout dire. Son souffle retrouvé, ses lèvres sèches s’étirèrent dans un sourire macabre alors qu’il levait les yeux vers Pietra qui se tenait à quelques mètres, alors que la lame de son poignard reflétait les flammes qui grandissaient derrière eux :

- Sorties… Saines… et sauves… Reprenons donc où nous en étions, avant, voulez vous … j’ai tellement, tellement envie de savoir à quoi tu ressembleras, morte ….


S'il ne savait pas si Pietra était encore capable de l'arrêter, il savait néanmoins d'expérience que ce genre de capacité n'était pas sans limite. Si elle réussissait à le ralentir encore, elle se tuerait gentiment toute seule, d'épuisement, il n'en doutait pas une seconde. C'était une alternative honorable, bien qu'il eut préférer, largement, lui couper la gorge lui même. Il gronda à nouveau sans tourner la tête vers Jeane, ses yeux braqués sur la mutante:

- Je te préviens ... Si tu tentes de LA protéger, humaine ou pas, tu mourras toi aussi, je le jure devant dieu, et je jeterai vos cadavres au feu jussqu'à ce que vos os ne soient plus que de la cendre froide ...