C’est un jeu d’ombres, une balade entre deux fissures, un passage éclair et invisible. C’est une silhouette qu’on pense voir passer, mais qui finalement ne concentre que du vide. On se demande si ce n’était qu’une impression, si le vent a brièvement soufflé, mais c’était bien elle. Agilité et adresse féline. Alyah ne s’était jamais demandé si finalement sa mutation avait été une bénédiction ou une malédiction. Pourtant avec les temps qui courraient et les chasseurs qui abondaient les rues, beaucoup de mutants se lançaient dans des remises en question. Alors Alyah, bénédiction ou malédiction ? Si elle avait été née humaine, elle n’aurait jamais été abordée par le Mossad. Elle serait toujours sur le sol israélien auprès de ses parents. Peut-être serait-elle devenue militaire, peut-être aurait-elle simplement vécu une vie tranquille à Tel-Aviv et aurait épousé quelqu’un de tout à fait respectable. Peut-être oui… Cette perspective pourtant, ne lui plaisait pas. Elle ? Mariée et docilement consignée à demeure pour s’occuper d’une portée de marmailles ? Impensable. Mais était-ce impensable car elle avait déjà ce caractère belliqueux ? Elle se demandait si dans d’autres mesures, elle aurait pu aimer une vie simple. Tout dépendait avec qui aussi. Elle allait devoir réfléchir sincèrement à la question quand même, car une fois toutes les histoires en ville tassées, elle allait partir avec Elias… Et ce serait alors la promesse d’une vie simple. Ou du plus proche possible de la vie simple pour deux anciens agents secrets mutants en fuite.

Une sacoche vide battait contre sa cuisse, c’était sa cargaison de sérum fraîchement livrée. Elle avait dernièrement accepté d’aider Seth dans sa mission de distribution du UP, ce nouveau sérum censé annuler les effets des vaccins des chasseurs. Les risques étaient énormes, mais elle se faufilait avec aisance dans les moindres recoins de la ville, au nez et à la barbe des chasseurs. Il était arrivé que quelques fois, elle rencontre quelques difficultés, mais elle s’en était toujours sortie avec brio. Et elle avait en cas de risques, une liste de planques au cas où les choses tourneraient mal. Apparemment Seth avait pas mal de repères en ville, ce qui ne l’étonnait pas finalement. Si au premier abord, ce type ne payait absolument pas de mine, elle devait bien avouer qu’avec le temps elle avait pu constater le développement de ses richesses. Ce mec avait bien réussi son coup, franchement.
Elle était justement sur le chemin du retour d’une livraison, et comme celle-ci s’était faite dans la périphérie de la ville, elle avait emprunté une moto. Et par emprunter, je veux bien dire qu’elle avait piqué la bécane dans une villa où elle avait l’habitude auparavant de piquer quelques objets. Ils allaient finir par en avoir assez de se faire cambrioler. Quoi que, la moto aux courbes élégantes, elle comptait bien la ramener. Cette ville était trop petite pour pouvoir cacher un tel engin indéfiniment.
La villa en question se trouvait juste à l’entrée de la ville, et en centre, elle finirait le trajet par les toits. Mais là, elle s’apprêtait seulement à récupérer la moto, abandonnée à la lisière du bois. Mais alors qu’Alyah se frayait un passage dans les bois vers la route, elle commença à entendre des aboiements hystériques. Elle sursauta, surprise du vacarme soudain déchirant le silence.

Des chasseurs. Elle en était sûre. Quelques cris lui confirmèrent qu’ils avaient trouvé la moto, et elle se mit à battre en retraite, à s’enfoncer davantage dans la forêt de nouveau. Elle n’attendit pas qu’ils se mettent à sa poursuite pour courir. De bonnes foulées déterminées que ses jambes, plus développées que la normale, portaient avec aisance. La mutante courait vite en général, une faculté attribuée par sa mutation qui avait développé ses muscles ischio-jambiers et ses triceps suraux. Ainsi à la manière des chats et de leurs pattes arrières, elle pouvait largement plus portait son poids sur ses jambes.
Elle s’était donc lancée dans une course effrénée, même si personne n’avait eu le temps de réellement repérer sa présence. Elle ne voulait pas qu’il lui mette la main dessus, car même sans savoir pour sa mutation, ils lui balanceraient de leur vaccin. C’était comme ça, la nouvelle politique le voulait ainsi. Et Alyah ne voulait pas savoir ce qui adviendrait de son corps si elle se retrouvait vaccinée. Son métabolisme étant entièrement liée à sa mutation, le vaccin pourrait ne pas avoir d’effet comme il pourrait tout simplement la tuer. Car tuer le gène mutant revenait à la tuer tout simplement. Alors elle courait pour échapper à une mort certaine, habituée qu’elle était à la fuite.
Il s’avérait qu’une des planques de la liste se trouvait justement dans le coin. Un manoir isolé de la ville où elle pourrait attendre un peu que les chasseurs quittent le périmètre.
Sans ralentir le pas, profitant de son endurance et de l’adrénaline, elle traversa une partie de la forêt sans s’y enfoncer pour rejoindre une portion de route, à l’opposée quasiment de l’endroit où elle avait laissé la moto. Il lui fallut un bon quart d’heure finalement pour atteindre le manoir. Elle avait continué à longer la forêt pour ne pas être à découvert et n’était sortie qu’au dernier moment, quand la route vers la demeure l’y obligeait.

Le manoir qui attendait, imposant et silencieux, n’était pas illuminé. Soit les propriétaires des lieux dormaient déjà, soit il n’y avait personne. Alyah en conclut que ce n’était qu’un lieu de passage pour les activités de Seth ou du groupe Uprising, et que personne n’y habitait vraiment. Alors sans gênes elle ne prit pas la peine de sonner pour vérifier et s’introduisit par le balcon au premier étage. Elle essaya sans trop faire de bruits de déverrouiller la porte, au cas où un détecteur de son la trahirait. Avec l’expertise d’une ancienne espionne, elle se glissa finalement dans ce qui sembla être une chambre d’amis. La lune éclairait faiblement la pièce, mais elle ne s’aventura pas à allumer la lumière, attendit plutôt de pouvoir être dans le couloir. S’il y avait un système d’alarme, il ne semblait pas être affolé outre mesure et rien ne sonna. Elle avait le champs libre pour finalement explorer la fameuse planque.