Maybe life is not in black and white, but more in shades of grey.

La solitude commençait à être pesante. La jeune femme n'était pas de celles qui se disaient louve solitaire. Elle avait besoin de se sentir en sécurité et aimée. C'est pourquoi ses sentiments lui échappaient ces derniers temps. Comment l'expliquer ? Le moindre petit manque de politesse lui irisait le poil. - Cette absence au creux de son lit quand elle étendait le bras. - Son regard ne transpirait plus la joie de vivre, mais était seulement un reflet face au vide. Les hématomes se faisaient de plus en plus présents. Son téléphone en était devenu son pire ennemi. Diana absorbait trop d'électricité, elle le savait, elle savait aussi ce qui risquait de se passer. La jolie brune avait décidé de se remettre au yoga. Cela n'empêchait pas de multiplier ses visites chez le docteur Gaiman. Quelle horreur, il finirait par la jeter à la porte à force de la voir venir aussi souvent. Le plus atroce dans l'histoire ? Trouver inlassablement des excuses. Dans cette ville, il était impossible de calquer de façon sûr l'image d'un allié ou d'un ennemi sur une personne. La peur est le propre de l'homme, comment pouvait-elle prétendre qu'elle ne comprendrait pas que quelqu'un pose un revolver sur sa tempe ?

Par ailleurs, quand elle prit son combiné pour son énième rendez-vous dans le mois, elle le jeta de frustration contre le mur. Elle saisit sa tête de ses mains et tâcha de retrouver son calme alors que les ampoules menaçaient de lâcher elles aussi. Elle venait de vider la batterie de son téléphone par angoisse de devoir inlassablement minauder pour une consultation.

En ce début de matinée ; elle pleurait encore seule dans son appartement, recroquevillée sur elle-même. Mais sa mère lui avait apprit à être bien plus forte. Elle devait se tenir prête, c'était son combat, sa survie, celle de personne d'autre. Il fallait avant tout compter que sur soi-même. Le personnel à la maison, le professionnel exigeait sourire et prestance. C'est avec ce naturel qu'elle se rendit au bar où elle travaillait. Les informations allumées toute la journée exposaient régulièrement les nouvelles victimes mutantes. Mademoiselle Peterson ne devait pas se montrer affectée par ces nouvelles, bien qu'elle ne pouvait s'empêcher de vérifier que le prénom de Skylar ou de Faith était bien absent.

« Je me déteste, je me déteste, je me déteste... » Elle était sous pression, elle n'évacuait pas l'électricité, elle ne faisait qu'en prendre de plus en plus. Elle fit le vide en elle, tâchant de respirer.

On ne peut pas dire qu'elle ignorait son charme naturel. C'est avec un sourire aguicheur qu'elle arriva à l'accueil du club de tire. Elle demanda les heures d'ouverture, le prix. De ses grandes pupilles bleues, elle ne se privait pas d'user de son minois pour arriver à ses fins. Prétendant qu'elle n'avait pas d'argent sur elle, mais qu'elle voulait seulement tenter, l'homme chargé des inscriptions la fit passer frauduleusement. Mais loin de là était l'idée de la mutante. C'est sympa quand c'est gratuit, mais ce n'était pas le but de l'opération. Elle n'apparaissait pas sur les registres, c'était ça qui primait. Elle se dissimula dans un espace privé au personnel et tâcha d'éviter de croiser quelqu'un. Les lumières étaient éteintes, les installations aussi. Plus aucune trace d'électricité à part le petit voyant rouge qui prévenait que l'établissement avait une alarme.

La belle brune se glissa hors de sa cachette. Elle tendit ses bras bien droits et souffla, encore, une nouvelle fois. Elle grinça des dents alors qu'elle libérait enfin une grande part d'électricité qu'elle contenait depuis trop longtemps déjà. Elle posa une main sur son thorax, comme pour s'assurer qu'elle ne s'était pas brûlée elle-même.


Une fois sa séance de tire terminée, elle se rendit seulement compte qu'elle savait viser mine de rien. Mais aussitôt le revolver posé, la pression se réinstallait, le plaisir n'était donc que de courte durée. Elle éteignit toutes les installations et ne se priva pas de faire de même concernant l'alarme. Elle passa la porte électrique sans problème. - Quelle surprise ! - Elle comptait rentrer tranquillement chez elle quand du mouvement l'intrigua. Consciente du danger possible, elle s'approcha à pas feutrés. Elle craqua sur une petite branche et ferma les yeux tout en se crispant. Non, aucune réaction ? Bien. Elle bascula sa tête pour voir ce qui se tramait, se dissimulant grâce au mur de l'enceinte. Elle blanchit sur place en apercevant un homme, une arme en main, prêt à tirer. Son cœur cessa de battre sous le coup du choc. Ses mains tremblaient, c'était un chasseur. Il faisait partit de ces hommes sans aucune conscience qui pourchassait les personnes comme elle. Le lampadaire près d'elle était en train de se prendre pour une guirlande qui clignote sur les sapins de Noël. Elle releva vivement la tête et en eut les larmes aux yeux, elle allait se faire prendre. Diana se pressa de nouveau contre le mur, se dissimulant et cachant sa propre bouche de ses mains. Ça allait aller, peut-être allait-elle sauver quelqu'un en ayant attiré possiblement l'attention du prédateur par ici.

Elle tâchait de se préparer mentalement. Elle devrait le faire. Oui, elle devrait l'assommer à coup d'électricité pour ne pas mourir s'il venait vers elle.

Maybe life is not in black and white, but more in shades of grey.

Peu importe la personne qui vous le dira, il aura raison : Un grand pouvoir engendre de grandes responsabilités. C'était typiquement ce que la petite Diana lisait lorsqu'elle était enfant, demandant avec un grand sourire porté vers sa mère si elle aussi, elle venait de la planète de Superman. En cette nuit où seuls les démons les plus sombres dominaient, elle se plaisait à se rappeler du doux visage de celle qui l'avait mise au monde. De sa main droite, dissimulée dans son dos, elle s'efforçait de concentrer une certaine masse d'électricité. Elle n'avait jamais tenté d'en projeter sur un humain, mais pourquoi pas ? La jeune brune était menacée, c'était le moment ou jamais. Si le chasseur venait voir par ici, elle aurait peut-être la possibilité de se jeter sur lui et de lui plaquer amèrement l'une de ses mains sur le visage.

Ce n'était pas une tueuse, elle n'en avait pas l'étoffe. Si jamais cet homme venait à mourir de sa main, elle serait sûrement bonne pour l'hospice. L'instinct de survie primait sur tout le reste. Elle prenait une grande respiration, mais seuls les bruits de la nuit lui parvenait. La jeune mutante n'arrivait pas à distinguer les bruits de pas de l'homme armé aux bruits de la route au loin. Diana, reste forte, tentait-elle de se persuader. La barmaid se décolla du mur, prête à faire un sprint jusqu'à chez elle. Peu importe que le lampadaire serait de nouveau normal, mais une voix l'arrêta. Elle déglutit, elle lui disait vaguement quelque chose.

Malgré elle et ses pulsions, la curiosité trop forte la poussa à regarder dans la direction du danger imminent. Qui était-il ? Pourquoi connaissait-il son prénom ? Un habitué du bar sans doute. Elle était toujours en train de chercher à apaiser les discussions qui parlaient de réduire à néant les transmutants.

« De quoi je me mêle ? J'ai besoin de l'autorisation de mes parents pour me promener à l'heure que je souhaite, peut-être ? »

Elle était crispée, cela se sentait. Seulement, la jeune fille voulait s'en sortir sans une balle entre les deux yeux et sans même utiliser la violence pour se tirer de ce mauvais pas. Quand il commença à dévoiler son visage, ce fut le drame. Il n'avait plus rien de mignon ou de charmant d'un seul coup, ça, c'était médecin ?

« Docteur Gaiman... » siffla-t-elle sans cacher son dégoût, oubliant tout de la couverture si fine qu'elle tentait de se construire quelques secondes plus tôt.

L'homme baissa le ton alors qu'il venait de perdre la confiance fragile que la barmaid avait mise en lui à force d'aller en consultation.

« Ce n'est pas sûr, je vous le confirme. » lâcha-t-elle avec rancoeur, son regard allant de celui du médecin au revolver qu'il avait en main. Les yeux de la transmutante se posèrent sur l'homme au fond, sûrement mutant lui aussi. Malgré tout, ne voulant pas faire couler le sang, elle murmura à son tour. « Alors vous êtes devenu médecin pour sauver autant de personnes que vous tuez ? Vous vous sentez mieux après ?... Cela vous arrive aussi de vous rendre aux enterrements et de présenter vos condoléances aux familles éplorées ? » Elle approcha d'un pas, sa main toujours dissimulée bien qu'elle chauffait, ça ne lui faisait pas du bien d'essayer de concentrer une masse d'énergie à ce niveau. « Et dire que je vous ai laissé me parler et regarder mes hématomes ... Vous me dégouttez. » lui cracha-t-elle au visage en détachant chaque syllabe.

La haine pour les chasseurs et ce qu'ils faisaient pris le pas sur l'instinct de survie. Elle sourit grandement comme si elle avait un déchet en face d'elle. « Même pas fichu de reconnaître un mutant après plusieurs consultations... Il serait plus simple de nous piquer comme des chiens dans votre cabinet, vous ne croyez pas ? »

Le lampadaire s'éteignit d'un seul coup, Diana était trop sous pression. Elle se tourna quand même vers ce dernier, comme si le fait qu'elle était responsable ne lui avait pas effleuré l'esprit. Le véritable ennemi s'approcha d'un pas moins discret que son médecin traitant. La jeune femme l'arrêta, dressant sa main vers celui qui approchait.

« C'est une rupture, on peut avoir la paix ?! » Non, elle ne voulait pas prendre le risque que Judicaël en profite pour tuer deux mutants dans la même soirée. La demoiselle siffla de nouveau en direction de son docteur. « Si jamais vous vous avisez de tuer quelqu'un... J'apprendrais à tuer moi aussi. » Mensonge, mais elle le pensait nécessaire. « Dégagez... Et dites à votre secrétaire que j'annule mon rendez-vous de demain, je préfère encore me couper un bras que de prendre le risque de vous approcher à nouveau. »

Ses yeux d'un azur profond ne quittait pas le docteur Gaiman qu'elle pensait être le vrai criminel de l'histoire. Elle attendait qu'il s'en aille pour pouvoir tourner les talons à son tour.